11 novembre 2008

Off limits...

Est-ce-que c’est moi qui provoque les choses? Ou me suivent-elles? Me suivraient-elles si je ne les poursuivais pas? Je vide l’eau dans l’évier ; il me semble que je n’aurai plus jamais soif. Ferme les yeux, et pense. Vraiment cette fois. Sincèrement. Mais il n’est pas possible de sortir seule de son cercle. C’est pour cela qu’encore une fois je le retrace derrière mes paupières closes. Il prend la forme du visage d’une enfant triste, avec des grands yeux cernés, un petit sourire las sur les lèvres. Elle semble pleine d’une sagesse résignée que j’aurais oubliée. Pleine de souvenirs que je ne conserve plus. Effacés de ma banque de données. Comme ça, aussi vite et aussi simplement. On ne se souvient plus de l’effet du temps, du temps qu’il prend, une fois qu’il a opéré son œuvre.
Dommage. Ma mémoire est capricieuse, comme une petite femme coquette, elle ne se rappelle pas son âge; ne songerait jamais à l’avouer au premier venu. Mes yeux ne savent plus ce qu’ils ont vu. Ce sourire un peu triste a disparu. Peut-être que cela vaut mieux.
Pour autant, je ne reviens pas à zéro. Une fois encore, j’ai parcouru la circonférence du cercle sans être plus avancée. Pour autant, je ne reviens pas à zéro.

Ca coule de source, comme l’eau entre mes doigts. Ca file aussi vite que l’eau, toutes ces sensations. Comme un poisson glissant, qui frétille et vous échappe alors que vous croyiez le tenir pour de bon. Difficile de dire où est le centre de nos vérités. Il semblerait qu’à force de s’empêcher de le trouver, il ait tout bonnement disparu. Coulé à pic, derrière un récif de corail. Comment le rattraper, maintenant?
“Si vous ne trouvez plus rien, cherchez autre chose”. J’aime cette phrase. Et c’est vrai. Je devrais me dire plus souvent d’aller chercher ailleurs si j’y suis. J’y serai sûrement. Puisqu’il me semble que je ne suis jamais vraiment là. Un peu des fois comme de la peinture qui s’écaille. Petits bouts blancs qui tombent au sol. Petits bouts boursouflés qui restent attachés à l’ensemble plus tenace sur le mur, de bout des lèvres, du bout de leur bout. Je m’écaille au soleil... Je m’étiole en hiver. Quelle fatigue de n’aller jamais bien. D’être toujours entre deux. Enfin, je ne dis pas ça tous les jours. Demain, je gueulerai bien fort ma joie de vivre, mon énergie et ma foi en les choses... Ma foi, en l’état des choses, je ne sais pas sur quoi elle repose. Je ne sais pas sur quoi elle repose. En effet, elle se repose. Elle dort paisiblement. Jusqu’à demain!

Les gens s’en mêlent; les gens donc s’emmêlent les pinceaux. Les gens s’emmêlent avec leurs mots. La parole est la première de toutes classifications, du fait même qu’elle nomme et différencie les choses, mais elle est le premier des détours; elle éloigne l’image qu’est la pensée. Quelle déperdition, entre les images entières que sont nos pensées dans nos têtes, et la parole qui doit la recomposer pour décrire l’image aux autres. La nuance, la nuance! C’est là qu’est toute son importance. Alors pourquoi me reproche-t-on d’être à cheval sur elle? sur la nuance, quoi! C’est vrai. Elle précise, elle éclaircit. Quoiqu’elle aussi perd. Tout détail perd, parce qu’éloigne de l’essentiel. Mais on en a bien besoin pour détailler l’essentiel... Tout ça n’a pas de sens. Ca part dans un sens, puis dans l’autre, vor, da, vor, da... Va comprendre.
Le bateau de mon esprit hors service vogue sur les rives profondes de la rivière du Nil... Le crocodile m’acueillit à gueule ouverte. Je n’en ferai qu’une bouchée, moi, de sa chair ferme d’alligator. Qu’une bouchée, avant de repartir sur les flots rassurants de ma pensée mobile. Je la laisse filer aussi vite que mes doigts sur ce clavier, et qu’est ce que c’est agréable d’avoir l’impression de ne plus penser à rien alors même que mes doigts forment des mots inutiles, mais qui sont néanmoins mes pensées. Prétentieux d’écrire. mais non! On arrête de penser quand on écrit, dans le flow (le flot!). On ne voit plus le temps passer, la conscience des choses n’est plus la même et on ne peut plus s’arrêter. Surtout ne pas retrouver l’état d’éveil habituel! Quelle déception quand on ne sent plus rien venir au bout de ses doigts.
C’est addictif l’écriture. Comme beaucoup de bonnes choses.