23 juillet 2009

Willa

L’enfant sur le mur a bougé. Je l’ai vu. Il a tourné les yeux vers moi et il m’a dit, tire-toi. Je l’ai distinctement entendu. Le petit garçon sur le mur m’a parlé.
En rentrant, je l’ai dit à Willa. Elle a ri doucement, elle a levé les mains vers le ciel, l’air de dire, tu t’attendais à quoi ? Là-bas, où elle vivait, de l’autre côté de l’océan, elle me dit qu’on ne s’étonnait de rien. Que tout pouvait arriver, et que chaque chose avait une signification propre, qu'il fallait toujours tenter de découvrir. Chaque chose veut dire quelque chose. Des choses peuvent décider de ne parler qu’à une seule personne, ou à tout le monde. Et certaines personnes décident de comprendre, tandis que d’autres refusent tout de bon. Elle dit que si le petit garçon sur la fresque du mur dehors m’a parlé, c’est que je dois en comprendre quelque chose. Quand je lui demande quoi, elle hausse les épaules. Faut que je me débrouille, quoi.

Je ne sais pas vraiment comment Willa est venue à la maison. Ca fait longtemps maintenant qu’elle est là. Elle est très vieille ; elle était déjà très vieille en arrivant, et elle est encore plus vieille maintenant. Je ne sais pas quel âge elle peut avoir, mais quand on lui demande, elle dit qu’elle est née il y a si longtemps qu’elle ne se souvient même plus du visage de sa mère. C’est comme si Willa n’avait pas de parents. Elle me raconte des histoires de campagne, des histoires de l’autre côté de l’océan, elle raconte des histoires de grandes maisons vides, des maisons tout en bois, où ne vit qu’une seule famille, toutes générations confondues, des histoires de cabanes dans les arbres et des histoires de coton et de cures magiques fabriquées par des gitans qui vivent dans des roulottes. Elle me raconte des histoires folles d’une mère prophétesse qui avait quinze enfants, tous de pères différents, qui vivaient tous dans une caravane, déambulant de ville en ville, prêchant la bonne parole en musique. Elle me raconte des histoires de feux de colère, de dos courbés, de trop plein de misères, de désespérés qui montent dans un train improbable… Elle me raconte tout ça, et je n’y comprends pas toujours grand-chose, mais j’imagine. Combien c’est différent d’ici.

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