10 février 2010

J'en ai, de la bouteille.

Ne plus mettre ce double fond entre moi et les autres, comme un film en deux langues, ou avec des sous-titres qui n’ont rien à voir avec les paroles. L’homme crée la bouteille dans laquelle il s’enferme.

Quand je m’emballe dans une conversation, je m’en veux toujours après. Je m’en veux de penser à voix haute. Je ne suis pas avec l’autre. Je ne suis pas là pour l’autre. Souvent je reste dans ma bulle et je parle à travers la paroi. Je ne pose pas de question. je ne demande rien. Je reviens au sujet de prédilection, à la necessité de prouver, montrer, démontrer par je ne sais combien de façons différentes que je suis bien là. Même derrière du verre.

Ma bouteille, je la traîne partout. Elle tinte, clinque, crisse, clique et claque, mais jamais ne se casse. J’aimerais la vendre au plus offrant, au suivant, à celui qui a besoin de se compliquer l’existence. A celui qui veut se la compliquer pour toujours, véritablement – ou au moins pour longtemps. A celui qui a vraiment, vraiment, envie de souffrir, parce qu’elle est lourde, ma bouteille. Et elle est lourde, sa souffrance. Elle est usante, elle est épuisante, tuante. Elle me fatigue, ma bouteille. Et je la trimballe depuis trop longtemps; je voudrais qu’elle fasse plaisir à quelqu’un pour Noël, qu’elle pousse un enfant à détester ces parents qui la lui ont offerte, qu’elle le pousse sur un divan pour enfin tenter de s’en débarrasser, et pendant tout ce temps-là qu’il prenne son pied à regarder le monde entier à travers le verre griffée de cette vieille bouteille. Quel doux avenir. Quelle gloire pour ma bouteille qui pourrait ainsi facilement accéder à l’immortalité, d’enfant, en enfant, en enfant...

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